La fiscalité des trusts étrangers en Andorre: un outil stratégique pour la planification et la protection du patrimoine et de la succession

Dans ce contexte, la notion juridique de trust prend une importance particulière. Bien que le droit civil andorran, de tradition continentale, ne reconnaisse pas le trust—concept issu du common law—il admet toutefois l’interaction avec des trusts constitués selon des législations étrangères. Ce pragmatisme permet aux résidents de bénéficier de leurs avantages fiscaux pour la planification et la protection patrimoniale, à condition, bien entendu, que le trust soit constitué, maintenu et liquidé avec l’accompagnement d’un conseil expert. Cet article analyse comment un trust étranger, correctement structuré, constitue une architecture juridique patrimoniale où convergent sécurité, efficacité et vision globale.
Concept
Le trust est une relation juridique qui peut être constituée inter vivos ou mortiscausa, par laquelle une personne (settlor) sépare de son patrimoine certains biens et droits, ainsi que leurs fruits et revenus, pour constituer un patrimoine autonome sous la gestion d’une autre personne physique ou morale (trustee), qui l’administre dans l’intérêt d’un bénéficiaire (beneficiary) ou pour la réalisation d’un objectif déterminé, en transférant la propriété définitive lorsque l’événement, le terme ou la condition prévu dans l’acte constitutif est réalisé.
Sa caractéristique essentielle est la séparation entre la propriété légale (legal ownership) du trustee et la propriété économique (beneficial ownership) du bénéficiaire.
Parties au trust
- Settlor : personne qui crée le trust et apporte les biens et droits de son patrimoine.
- Trustee : personne physique ou morale qui reçoit les biens du trust et les administre conformément aux dispositions de l’acte constitutif.
- Beneficiary : personne(s) qui percevront les avantages économiques du trust à un moment donné. Dans tous les cas, le bénéficiaire est le titulaire économique effectif de ce que le trust génère. Les bénéficiaires peuvent être présents, futurs ou conditionnels.
- Protector : tiers désigné, parfois par le settlor, pour superviser et contrôler le trustee. Il agit comme garant que la volonté du constituteur est respectée, ajoutant une couche de sécurité dans les trusts complexes ou de longue durée. Cette fonction est optionnelle.
Caractéristiques
(i) Les biens du trust constituent un fonds séparé et ne font pas partie du patrimoine du trustee ; (ii) Le titre des biens du trust est établi au nom du trustee ou d’une autre personne pour le compte du trustee ; (iii) Le trustee a le pouvoir et l’obligation, dont il doit rendre compte, d’administrer, gérer ou disposer des biens conformément aux conditions du trust et aux obligations légales particulières ; (iv) Dans certains cas, le fait que le settlor conserve certaines prérogatives ou que le trustee détienne certains droits en tant que bénéficiairen’est pas nécessairement incompatible avec l’existence du trust.
Types de trusts les plus courants
- Révocable vs. Irrévocable : un trust révocable permet au settlor de le révoquer ou de le modifier (récupérer les actifs) de son vivant. Dans un trust irrévocable, le settlor renonce dès le départ à ce pouvoir, les biens quittant définitivement son patrimoine. La révocabilité a d’importantes conséquences fiscales : l’Andorre ne considère la propriété comme transférée au bénéficiaire que si le trust est effectivement irrévocable.
- Discrétionnaire vs. Non-discrétionnaire : dans un trust discrétionnaire, le trustee dispose d’une marge pour décider combien, quand et à quel bénéficiaire distribuer les avantages, ce qui implique que ceux-ci n’ont pas de droit acquis tant que le trustee exerce sa discrétion. Dans un trust non-discrétionnaire, ou fixe, les bénéficiaires ont des droits concrets sur les revenus ou le capital, les conditions étant prédéterminées dans l’acte constitutif.
- À distribution vs. À accumulation : un trust à distribution confère au bénéficiaire le droit de jouir immédiatement du patrimoine du trust, tandis que dans un trust à accumulation, le trustee, au lieu de distribuer les revenus générés, les “accumule” et les intègre au capital du trust.
Objectifs des trusts
Les trusts sont des outils polyvalents pour la planification patrimoniale internationale : ils permettent d’organiser le patrimoine, de professionnaliser la gestion des actifs et de canaliser la philanthropie avec continuité et contrôle. Leur conception doit être étudiée au cas par cas.
(i) Succession internationale et protection des actifs : le trust fonctionne comme un substitut opérationnel au testament : le trustee exécute les instructions prédéfinies, réduisant les frictions face à d’éventuelles réserves légales. En séparant le patrimoine et si le trust est correctement structuré, les biens restent à l’abri des contingences du settlor (dettes, litiges), offrant une couche supplémentaire de sécurité juridique.
(ii) Véhicule d’investissement et gouvernance familiale : le trust centralise la gestion des actifs selon des critères professionnels et à long terme, assurant la continuité intergénérationnelle. Des règles claires de risque, d’objectifs et de distribution sont établies, réduisant les conflits.
(iii) Philanthropie structurée : les charitable trusts permettent de faire des donations sous la supervision des trustees, avec une continuité au-delà de la vie du settlor, offrant flexibilité et sécurité.
Outre ces usages personnels ou familiaux, les trusts peuvent également être utilisés dans des structures d’entreprise (émission de dette, plans de rémunération, etc.).
Résidence fiscale et champ d’imposition
Seules les personnes physiques résidentes fiscales en Andorre sont imposables sur leurs revenus mondiaux à l’IRPF. Est considéré résident celui ou celle qui : (i) demeure >183 jours dans l’année civile ; (ii) a son centre principal d’activités ou d’intérêts économiques en Andorre ; (iii) de plus, il est présumé que les personnes physiques sont résidentes fiscales si leur conjoint(e), tant qu’il/elle n’est pas séparé(e) légalement, et leurs enfants mineurs à charge, résident en Andorre.
Principe directeur: le trust “n’existe pas” aux fins de l’IRPF
En matière fiscale, Andorre a développé des critères spécifiques pour traiter les revenus liés aux trusts et structures analogues. La référence clé est la Note technique du 25/11/2015 émise par le Departament de Tributs i Fronteres, qui précise la manière dont les revenus obtenus via des trusts et fondations étrangères sont imposés à l’IRPF. Cette note, de nature interprétative, s’applique aux exercices fiscaux à partir de 2015.
Étant donné que le droit andorran ne reconnaît pas le trust comme une entité juridique, il a des implications fiscales importantes. Le trust est considéré comme “inexistant” pour l’IRPF, ce qui signifie qu’il n’est pas traité comme un contribuable indépendant. Par conséquent, les revenus générés par les actifs du trust sont attribués directement aux personnes physiques impliquées (settlor ou bénéficiaire), selon celui qui est considéré comme le véritable propriétaire économique desdits actifs.
Présomption et exception sur la propriété
(i) Règle générale : il est présumé que le settlor conserve la propriété des biens et est donc redevable de l’IRPF sur les revenus générés
(ii) Exception : lorsqu’il est indiscutable que le bénéficiaire détient les droits économiques et est clairement identifié, la propriété économique lui revient. En pratique, l’irrévocabilité du trust et l’absence de pouvoirs de contrôle du settlor sont des indicateurs décisifs pour apprécier ce transfert.
En aucun cas le trustee ne peut être considéré comme propriétaire économique, étant donné qu’il agit uniquement comme administrateur du trust.
Trois moments fiscaux clés
Trois moments doivent être différenciés pour l’IRPF :
(i) Constitution du trust
Si l’analyse conclut que la constitution du trust et l’apport d’actifs impliquent un transfert de propriété du settlor au bénéficiaire, l’opération a une incidence fiscale :
- Si le settlor est contribuable IRPF : le transfert peut générer une plus-value ou moins-value, mais des exonérations s’appliquent :
- Inter vivos : aucune plus-value ou moins-value n’est reconnue pour les transferts gratuits à des personnes liées jusqu’au 3e degré (y compris conjoint ou partenaire stable).
- Mortis causa : toute plus-value éventuelle est exonérée en cas de transmission par décès.
- Si le bénéficiaire est contribuable IRPF : l’acquisition gratuite (inter vivos ou mortis causa), incluant successions, legs, donations et assurances-vie (si le souscripteur diffère du bénéficiaire), n’est pas imposable.
(ii) Pendant la durée de vie du trust
Les revenus, plus-values et moins-values générés par les actifs du trust sont soumis à l’IRPF selon leur nature et attribués à la personne (settlor ou bénéficiaire) considérée comme propriétaire économique, à condition qu’elle soit résidente fiscale en Andorre.
(iii) Distribution des revenus ou du capital
Le bénéficaire peut percevoir les revenus et/ou le capital (corpus) du trust. Cette distribution, effectuée conformément à l’acte constitutif, est qualifiée d’acquisition gratuite (inter vivos ou mortis causa) et n’est donc pas soumise à l’IRPF pour le bénéficiaire.
Si le transfert de propriété a déjà été réalisé lors de la constitution du trust, les distributions ultérieures de capital par le trustee ne génèrent pas de revenu, car elles représentent la remise de capital dont le bénéficiaire est déjà titulaire. Cela n’affecte pas l’imposition des revenus produits par ces actifs.
Conclusion
Les trusts étrangers sont un outil puissant et légitime pour la planification et la protection patrimoniale des résidents andorrans. Leur succès repose sur une structure technique impeccable, une substance réelle, la transparence et la cohérence déclarative, le tout dans le cadre du système fiscal favorable d’Andorre. Correctement structurés, ils permettent une planification patrimoniale efficace, renforcent la gouvernance familiale et assurent la continuité intergénérationnelle, mais mal structurés, ils exposent à des risques de requalification et de sanctions.
Comment pouvons-nous vous aider ?
Si vous êtes résident andorran ou envisagez de vous installer en Andorre, et que vous faites partie d’un trust (en tant que settlor ou bénéficiaire) ou souhaitez planifier la création d’un trust, notre équipe peut vous assister.
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